Pas de femmes en compétitionBien qu’omniprésentes depuis les premières éditions,  on ne verra pas de femmes au départ des 24 heures du Mans entre 1951 et 1971.
 
En 1934, les Etats-Unis refusent la participation des femmes dans les compétitions automobiles. Cette même année, la Fédération Nationale des Clubs Automobiles de France milite dans le même sens. Des flatteries pour mieux faire passer la pilule....

 

 

Contrairement à ce que vous pouvez penser Madame, ce titre n’est point celui d’une Revue de Music-Hall et, en dépit de ses apparences de légèreté, il sert d’exergue à un sujet des plus sérieux.

En effet, ce ‘Pas de femmes’ est le cri que vient de pousser l’Américan Automobile-Association qui a décidé de refuser désormais aux femmes l’autorisation de participer aux courses automobiles.

Certes, nous vous avons vue, en France au volant de bolides, dociles à répondre à l’appel de vos prompts et souples réflexes ; nous avons assisté à la chute de certains records sous les coups de votre vaillance ; nous avons admiré votre sureté en course, votre coup d’œil, votre habilité manœuvrière et tactique, votre endurance et votre maitrise qui nous ont souvent émerveillés, Mmes Stewart, Juneck, Jenky, Itier, Hellé-Nice, Siko, Schell, Leblanc, Lamberjack, Depret, etc…, nous ont prouvé leurs magnifiques qualités et leurs dons exceptionnels de grandes championnes et pourtant j’avoue, au risque de subir auprès de vous une irrémédiable disgrâce, que la mesure prise aux Etats-Unis ne me surprend pas au point que je la désapprouve complétement.

Je sais de quels hauts faits vous êtes capable, Madame, tant en épreuves de côte qu’en circuit, vous nous avez si souvent démontré de supérieure façon que vous pouviez rivaliser d’adresse, de sang-froid, de résistance et de courage avec les pilote de sexe dit ‘fort’ les plus avisés et les plus aguerris.

Vous avez figuré très honorablement dans nos courses, vous avez parfois battu des hommes de classe, voire obligé le vainqueur à s’employer à fond pour triompher et cela ne m’a jamais trouvé indifférent. A chaque performance réelle que vous avez accomplie, pour l’avoir faite avec une discrétion qui est peut-être un hommage de plus, je n’ai pas été l’un des moins fervents à apprécier la valeur de votre exploit et je vous ai toujours complimentée avec une sincérité, dépouillée de tout artifice et de toute diplomatie intéressée.

Donc, je n’ignore pas votre mérite.

Toutefois, quelque hommage justifié et unanime que l’on rende à votre beau courage il n’en demeure pas moins exact que ces sortes d’épreuves d’endurance, dans lesquelles une énorme dépense physique et une constante tension d’esprit imposent aux nerfs et à tout l’organisme en général un rythme  vertigineux de réactions incessantes doivent être réservées exclusivement aux hommes. Cet échange continu, à un rythme endiablé, entre les muscles et le cerveau, les uns exécutant en même temps que l’autre reçoit, exige des ressources athlétiques qui ne sont pas ‘ordinaire l’apanage des femmes.

Que nos gracieuses compagnes se livrent de plus en plus aux joies du tourisme ; qu’elles nous montrent toutes les richesses de leur pouvoir fascinateur en des concours d’Elégance  Automobile ; qu’elles promènent à travers le beau pays de France et à l’étranger le sortilège de leurs yeux, emplis de visions et de mirages fabuleux, l’harmonieux dessin de leurs lignes idéalement souple, l’enchantement de leurs poses, la grâce de leurs attitudes, l’apothéose de leur sourire, nul plus que moi ne les louera, mais qu’elles songent aussi à nous conserver intact le précieux monument du charme féminin, fait de douce intimité, de captivant mystère et qui est exposé à s’effriter sous le choix des promiscuités inévitables qu’entrainent les âpres tournois.

Il n’apparait nullement souhaitable que la possibilité des mêmes exercices, par la réussite des mêmes prouesses, par la réalisation des mêmes performances, la femme s’identifie à l’homme, car, ils sont encore quelques-uns, Madame, qui comme moi vous idéalisent à travers la poésie chantante de leurs rêves et qui ne consentiront jamais ni à vous préférer, ni même à vous concevoir ‘masculinisée’.

Vous nous avez montré que vous pouviez égaler les hommes, vous avez fait vibrer tous les cœurs au fracas de vos exploits, vous avez triomphé magnifiquement.

Bravo ! Madame et vos consœurs !

Mais …..

D’un baiser, d’un sourire, enchantez un trépas,

Inspirez-nous l’exploit ; ne l’accomplissez pas !

 

En somme c’est cela qu’à voulu l’Amérique, en interdisant aux femmes de courir.

Qu’y perdront-elles ?, pas grand-chose…

Je sais…  Fêtée, applaudie, félicitée, sensible ou non aux hommages qui montrent des foules en délire, à l’occasion des compétitions que vous abordez avec tant de fière crânerie, vous vous divertissez fort en voyant graviter autour de vous – astre nanti d’une pluralité de satellites, emportés dans le sillage de vos charmes – tous les admirateurs utiles ou, …. Bourdonnants qui vous font une plaisante escorte de soupirants ou il y a si peu d’élus, et la décision américaine, si elle était adoptée par tous les pays risquerait de vous priver d’un spectacle auquel je comprends que vous teniez assez.

Eh ! bien, rassurez-vous et croyez-moi, Madame, une championne automobile ne devra pas pour cela renoncer à la satisfaction de juger de son pouvoir de séduction.

Et elle saura trouver, pour l’exercer tout entier, une occasion meilleure que celle de s’élancer sur la piste au volant d’une voiture de course, à plus de 200 km à l’heure.

 

Philippe BONTOUX- Automobile Club du Gard

L’Action Automobile – Organe officiel de la Fédération Nationale des Clubs Automobiles de France

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