1981 La Panthere Rose

lm1981 70 Porsche 934 T Panthere rose1981 marque la première participation d’un pilote Haut-Rhinois aux 24 heures du Mans. Valentin Bertapelle, garagiste à Wittenheim et sociétaire de l’écurie Alsace, réalise son rêve d’enfant : Faire le Mans. 

 

Valentin Bertapelle, « Tino » est un habitué des épreuves routières de l’Est de la France. Fouchy, Wissembourg et Turckeim n’ont plus de secrets. Il est double champion d’Alsace des conducteurs en titre, et en ce début juin 1981, en tête du championnat de France des circuits. Le Mans, c’est une autre dimension, c’est le lieu culte ou se déroule la reine des épreuves d’endurance, les mythiques 24 heures. Afin de préparer au mieux son affaire, il avait fait le déplacement en 1980 dans la Sarthe pour y voir l’envers du décor.

 
 

1981 L’engagement de la Porsche 934 Turbo no 70 se fait par l’intermédiaire de Thierry Perrier.

 

La voiture a déjà participé aux 24 heures du Mans en 1980 (Porsche 934 no 90 de Bourdillat-Bernard-Ennequin) mais depuis le moteur 4,2L a été refait à neuf chez le spécialiste allemand Kremer. La puissance est d’environ 550cv. Outre sa couleur Panthère Rose qui la démarque des autres concurrentes, c’est surtout par sa motorisation que cette voiture est surprenante. La Porsche est alimentée au Carburol, un mélange d’essence et d’alcool. Non Non, pas du Schnap’s de mirabelles mais de l’alcool de betteraves.

 

 

lm1981 70 Porsche 934 T Panthere rose

 

lm1981 70 Porsche 934 T Panthere rose

 

Le carburant est mis au point par l’Association interprofessionnelle des producteurs de betteraves et d’alcool de betteraves. Le mélange est composé de 85% d’essence et de 15% d’alcool.

Ce carburant est interdit par le règlement international mais autorisé au Mans.

Thierry Perrier, libraire Parisien et Bernard Salam, commerçant à Auch, deux habitués du Mans, seront ses coéquipiers. Pour Valentin Bertapelle, le but est d’être à l’arrivée.

 

« Il sera très difficile de nous qualifier, 62 voitures sont admises aux essais. 55 seulement disputeront la course. Et, contrairement aux années précédentes, les sélections ne s’effectuent pas dans les groupes mais au scratch. Si d’aventure notre voiture se qualifiait, nous ferions tout pour arriver. Je veux absolument terminer. Terminer une telle course serait déjà sensationnel ! »

 
 

lm1981 70 Porsche 934 T Panthere rose

 

lm1981 70 Porsche 934 T Panthere rose

 

Les essais

Mercredi

Sur la Porche rose, un cardan casse en fin de 1ere séance, mais avec un temps de 4’22, l’essentiel semble en bonne voie : la qualification du pilote et de la voiture.

 

Jeudi

Le moral est au beau fixe. Valentin Bertapelle a qualifié la Porsche en réalisant le 3ème temps de la catégorie. Avec un chrono de 4’08’’86, il est devant les spécialistes reconnus que sont les frères Almeras. Bernard Salam et Thierry Perrier réalisent respectivement 4’16’’87 et 4’21’’91. Outre quelques ennuis de soupape rapidement résolus, un souci sur la pompe à injection et une rupture de câble d’embrayage avaient pourtant troublé la séance qualificative.

 

Dans le groupe 4, seuls quatre concurrents ont pu se qualifier

La BMW M1 no 71 de Danner-Oberndorfer et du Prince Leopold de Baviere.

La BMW M1 Oreca no 72 aux couleurs VSD de Servanin, Ferrier, Rousselot 

La Porsche 924 no 73 des frères Almeras préparée par l’usine.

Et la Porsche 934 Turbo no 70.

 

Les plus grands noms sont au départ. 7 pilotes de F1 en activité : Tambay, Surer, Patrese, Cheever, Alboreto, Gabbiani et Ghinzani. On pourrait y joindre Boutsen, Alliot et Streiff. Les plus grands de l’endurance aussi sont là : Ickx, Bell, Pescarolo et le voisin Wollek. Rohrl, Andruet, Darniche ou Frequelin présents également ne sont pas des inconnus pour l'habitué des routes de montagnes. Pour Valentin Bertapelle, c’est le Grand Jour.

 

24 heures du Mans 1981 Porsche 934T no 70

15h00 Jean Marie Balestre lâche les bolides. Valentin Bertapelle est au volant. 

« J’étais loin de m’imaginer que la course pût se dérouler ainsi. Que la voiture pût tellement souffrir. Que le pilotage pût être aussi éprouvant. En raison de la chaleur, il a fallu installer en dernière minute tout un réseau de canalisations pour refroidir les cardans et la boîte de vitesses. Physiquement, les relais furent épuisants. La 1ère heure, pendant laquelle il fallait concentrer toute son attention sur le trafic des 55 voitures, j’ai perdu 2,5kg »

Pesée après chaque relais, nourriture adaptée et vitamines pour conserver la forme, Jean-Marie Kunegel, docteur de l’écurie Alsace veille sur la santé du pilote Haut-Rhinois.

C’est la canicule. La chaleur est suffocante. Mécaniques et pilotes souffrent.

16h13, Thierry Boutsen sur une WM sort de la piste et fauche mortellement un commissaire de piste. Peu après 17 heures, Jean louis Lafosse sur la Rondeau no 25 tape le rail à très haute vitesse dans les Hunaudières. Il est tué sur le coup. Sorties de piste en série et multiples casses mécaniques éclaircissent les rangs car à 20 heures on dénombre plus de 20 abandons.

19h27 La BMW M1 Oreca déjà retardée par un changement de triangle en fin de 2ème heure a des soucis d’embrayage qui oblige la voiture à venir purger au stand tous les 15 tours.

19h31 La 924 des frères Almeras abandonne sur rupture de boite entrainant un surrégime fatal.

Au quart de la course, le groupe 4 est emmené par la BMW M1 bavaroise. Une fuite d’huile va hélas la faire chuter au classement avant son abandon à 22h15 sur casse moteur.

mi-course la Porsche 70 est 23ème au général et 1ère de son groupe mais derrière, la BMW Oreca remonte lentement mais surement.

A la 15ème heure, malgré ses soucis d’embrayage, la BMW M1 s’empare de la tête du groupe 4.

Pendant 21 heures, le tableau de marche de la Porsche 70 fût respecté, même si chacun des pilotes fit son petit tête-à-queue. Ces incidents furent heureusement sans conséquence.

 

Valentin Bertapelle raconte : « J’étais en lutte avec une Ferrari qui me dépassa au milieu d’une courbe peu avant le virage Porsche. A la sortie, les commissaires agitaient des drapeaux signalant de l’huile sur la piste. La Ferrari dérapa à pleine vitesse et tapa le rail de face. J’ai pu lever le pied, mais la Porsche s’est également dérobée. J’ai essayé de contrôler le dérapage tant que j’ai pu. En bout de course, alors que je n’étais plus qu’à 30 km/h, j’ai heurté de l’arrière un poteau. L’élargisseur de roue était brisé, mais en 1’30’’ tout fut réparé au stand ».

  target="_blank" title="24h lemans 1981 Porsche 934T no 70">24 heures du Mans 1981 Porsche 934T no 70

 

10h18 La M1 Oreca aux couleurs VSD s’arrête avec un problème moteur, probablement une soupape cassée. L’équipe décide d’abandonner. La Porsche se retrouve seule survivante de son groupe. Mais la victoire n’est pas acquise, il faut passer le drapeau à damiers et effectuer un minimum de km pour se classer et justement, peu après midi, les ennuis commencent.

 

Les trois dernières heures furent laborieuses. Récit du pilote Alsacien : « Tout a bien marché pendant 21 heures. Ce n’est que sur le coup de midi que nous avons eu des problèmes avec le turbo refroidi par eau en groupe 4 et par air en groupe 5, d’où une énorme différence. C’est la que nous avons du jouer la prudence afin de terminer. Jusqu’à l’arrivée, nous n’avons plus couvert qu’une quinzaine de tours. Le moteur était à bout de souffle et l’échappement du turbo était brûlé par la chaleur. Nous n’avions plus de puissance et nous bouclions nos tours en 5 minutes ».

 

 « A part cet ennui, nous n’avons changé qu’une fois le jeu des plaquettes de freins et deux fois le train de pneus, ce qui est normal. Mais je me souviendrai toujours de mes premières 24 heures du Mans. C’est phénoménal. Il faut l’avoir fait pour y croire. J’ajouterais aussi que nous étions une équipe formidable avec un programme bien établi : Thierry devait tourner en 4’30 au tour, Bernard en 4’35 et moi-même en 4’20, c'est-à-dire chacun en fonction de ses possibilités. Ce planning nous a, en fait, permis de terminer »

 

Sur 21 voitures à l’arrivée, la Porche 934 Turbo engagée par Thierry Perrier termine 17ème du classement général d’une course terrible et meurtrière. Dans le groupe 4, sur quatre voitures au départ, une seule a pu voir le drapeau à damiers. Après 3733 km d’efforts, l’équipage Bertapelle, Perrier, Salam termine vainqueur en Grand Tourisme (Groupe 4) des 49èmes 24 heures du Mans.

 

Lundi soir, au garage de Wittelsheim, la Porsche 934 Turbo no 70 ramenée sitôt la course terminée, trône sous le panneau de la marque décroché du stand du Mans. L’ambiance est de fête pour ce 1er trophée Haut-Rhinois dans la Sarthe. Voilà de quoi donner des idées aux jeunes pousses locales. Cathy Muller collectionne les trophées en karting: Un titre de championne du monde, puis en 1979, un titre européen sénior devant les hommes. A 18 ans, elle s’attaque maintenant aux voitures. Son petit frère Yvan, qui n’a que 12 ans est déjà champion de France des minimes.  

 

Le Mans 1981  Porsche 934 Turbo no 70
Engagée par Thierry Perrier dans le Groupe IV
Moteur 4,2L Turbo
Puissance de l'ordre de 550cv
Poids 1137 kg
Temps des essais 4’08’’86 par Valentin Bertapelle
 
18ème au classement général
1ere du groupe IV
274 tours moyenne 155,726 km/h soit 3737 km
Meilleur tour en course 4'21''8

 

 

Remerciements

A Freisinger-Motorsport, Alain.E et Paul Kooyman pour les photos

 

 

Bibliographie

Dernières Nouvelles d'Alsace Propos recueillis par Bernard Delattre 

24 heures du Mans 1981 de Jean Marc Tesseidre / Christian Moity

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