BMW Art Car de Calder 

Titulaire d’une licence de Droit, Hervé Poulain est commissaire priseur depuis 1969. A presque 30 ans, il débute en rallye au volant d’une Renault 8 Gordini. Il croise Jean Todt, passionné comme lui de vitesse et d’art, et lui expose son idée de faire cohabiter art moderne et compétition automobile.


Jean Todt : " Un de mes amis commissaire-priseur, Hervé Poulain, spécialisé dans la vente de tableaux contemporains, m’avait parlé de la possibilité de voir Alexandre Calder peindre une voiture pour participer aux 24 heures du Mans. J’avais trouvé l’idée formidable. Le problème, c’est qu’il n’arrivait pas à trouver un constructeur qui soit sensible à cette idée. Et c’est là que j’ai essayé de convaincre un constructeur - à l’époque j’étais co-équipier de rallye - et j’avais convaincu BMW d’accepter ce challenge. BMW avait prêté une voiture, une BM30CSL, qui a été peinte par Calder. Cette voiture se trouve d'ailleurs aujourd’hui au musée de BMW à Munich, et tous les ans cette idée a été reconduite, et il y a eu des grands peintres comme Lichtenstein, Frank Stella, César qui pendant des années peignaient une voiture qui participait aux 24 heures du Mans, et aujourd’hui ça fait partie du patrimoine de BMW."

Alexander Calder devant la BMW 3.0 CSL

  Photo bmw Group

 

Alexander Calder est un sculpteur et peintre américain né à Philadelphie le 22 juillet 1898 et décédé le 11 novembre 1976.

 

La Calder est intéressante à plus d'un titre, tout d'abord parce qu'elle fut la première de la série en 1975, puis parce que l'artiste américain, adepte des mobiles abandonnés ensuite à une impulsion manuelle, à l'humeur du vent, à la chaleur, au soleil, voyait son œuvre prendre vie avec un six-cylindres de 450 ch.

 

L'idée assez insolite il est vrai avait surgi un peu plus tôt dans le cerveau du jeune Me Poulain qui l'avait proposée tout d'abord au service course d'un grand constructeur français. Après s'être attiré cette réponse : « C'est qui, Calder ? », Hervé Poulain croisa le chemin de Jean Todt, alors coéquipier de rallye. Rapidement exposé, le problème allait trouver sa solution. Todt imagine aussitôt que le seul à pouvoir accepter pareille entreprise est Jochen Neerpach, directeur de BMW Motorsport et dont l'épouse galeriste lui avait communiqué une réelle sensibilité artistique. La demande ne parut saugrenue qu'un instant et, en dix minutes de recherches, la voiture fut trouvée. Conditions : celle-ci devait être vierge de tout sponsor, rester inaliénable et être conservée au Musée BMW. En contrepartie, la marque fournissait voiture et logistique pour la course.

 

 Il fallait encore convaincre Alexander Calder qui vivait entre New York et la Touraine, dans son repaire de Saché. Armé d'un énorme jambon et d'une caisse de pomerol Château la Conseillante que « Sandy » Calder appréciait beaucoup, Hervé Poulain, accompagné de Me Loudmer et de son épouse, d'Ida et Bella Chagall, fille et petite-fille du peintre, rejoignit Saché. Une ébauche sur un jouet« Les Calder résidaient dans une immense grange en L où habitation et atelier coexistaient. Les yeux du collectionneur chaviraient devant les Miro, les Léger, les masques nègres. Après un déjeuner bien arrosé et une meurtrière partie acharnée de billard qui transforma le tapis en champ de mine, Sandy signa, le soir venu, l'autorisation de peindre la voiture selon ses directives. » D'abord sur un jouet, ensuite sur une maquette au 1/5e avant que ce projet ne soit reproduit sur la voiture de course par des peintres professionnels. « Je me souviens de son ébauche sur le jouet qui fut d'entrée le projet définitif, dit Hervé Poulain. Il étala la couleur en larges aplats, comme les faisceaux de comètes tricolores », car il n'utilisa que le bleu, le jaune et le rouge. La voiture finie lui fut amenée en Touraine et il la découvrit avec des yeux émerveillés avant de la signer de sa main. La voiture fut présentée ensuite au Musée des arts décoratifs avant de rejoindre Le Mans.

 

 Trois semaines plus tard, le pilote américain Sam Posey qualifiait brillamment la Calder en cinquième ligne, juste derrière les sports prototypes qu'elle dominait de sa masse sur la ligne de départ. Elle devait abandonner sur rupture de l'arbre de transmission alors qu'elle occupait la cinquième place au général, faisant taire les sceptiques et effaçant d'un coup cette « trichromie brouillée aux yeux des spectateurs par l'allure extrêmement rapide de la voiture.

 

 L'artiste, notait alors le Prix Goncourt Pierre Gascar, propose et efface, du même coup. Ainsi, par cet acte unique dans l'histoire de la peinture, il rappelle que l'art réside essentiellement dans l'alliance du don et du leurre. Ne trouvant de perfection que dans sa forme la plus abusive, la plus fugace, la plus insaisissable, il ne peut avoir de meilleur support que le météore ou l’éclair.    

 

Le Figaro Automobile - article du 15/10/2007 de Jacques Chevalier

 

LeMans 1975 BMW Calder

24 heures du Mans 1975

BMW 3.0 CSL no 93

Catégorie TS Tourisme Spéciales 

Moteur 6 cylindres, 24 soupapes de 3498cc

poids 1096 kg 

vitesse de pointe 291 km/h.

Pneus Dunlop 

 

Equipage 

Hervé Poulain (F) / Sam Posey (USA) / Jean Guichet (F) (Vainqueur en 1964)

10eme Temps des essais en 4.06.6

Abandon après 8 heures de course 

 

24h lemans 1975 93 Bmw 3.0 CSL Carder

Photo BMW Group

 

Sam Posey réalise le 10eme temps des essais, en 4.06.6, à 199,610 km/h de moyenne.

La voiture occupe la 6ème place au classement général dés la 3eme heure. Hélas, après 8 heures de course, la défaillance d'un cardan de l'arbre central contraindra l'équipage à abandonner. La carrosserie et la peinture de la belle sont intactes.

La voiture est aujourd'hui conservée au musée BMW au sein de la collection 'BMW Art Cars'.

 

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