Bugatti, Naissance d'une légende

Bugatti suscite en Alsace fascination et nostalgie.

Carlo Bugatti est une figure du milieu artistique Milanais. Ettore Arco Isidoro Bugatti,  son fils ainé, voit le jour le 15 septembre 1881 à Milan. Ettore fréquente l’académie des beaux arts mais très tôt il se passionne pour la mécanique, il sera constructeur. D’abord apprenti chez Prinetti & Stucchi, il participe dés 1901 à la conception d’un tricycle à moteur puis conçoit le type 1, un prototype équipé de quatre mono cylindres.

 

 

Il s'engage dans des compétitions et réalise son premier exploit dans le Bordeaux Paris. Il est sur le point de terminer second lorsque qu'un réservoir crevé l'oblige à abandonner. Il remporte, sur un tricycle Prinetti animé par un moteur De Dion, la course Vérone-Mantoue.

 

L’association avec De Dietrich

Eugène De Dietrich est un industriel Alsacien. Il se lance très tôt dans l’automobile et sur les recommandations de son cousin Adrien de Turckheim, il achète le brevet d’Amédée Bollet. La victoire lors de la course Paris Amsterdam forge la réputation de la voiture. On s’arrache le modèle à la cadence d’une voiture par mois. Lors de l’exposition automobile de Milan en 1902, De Dietrich  découvre le prototype (le type 2) d’une voiture légère à quatre cylindres et rencontre son concepteur, un jeune technicien. Le jeune homme s’appelle Ettore Bugatti, il n’a que 17 ans. Eugène De Dietrich reconnait en lui un talent  d’exception et l’embauche le 2 juillet 1902. Bugatti s’installe à Niederbronn ou il conçoit les Dietrich Bugatti type 3 jusqu’au type 7. La commercialisation des voitures est confiée à Emile Mathis. La collaboration prend fin en 1904. Bugatti accuse De Dietrich d’incapable qui fera faillite et De Dietrich réplique que Bugatti n’arrivera jamais à rien. Finalement, l’histoire prouvera que les deux avaient tort.

 

L’association avec Emile Mathis.

Émile Ernest Charles MATHIS est né à Strasbourg le 15 Mars 1880. C’est un fils d’hôtelier, son père tenait l’hôtel de la  ville de Paris, rue de la Mésange. En 1898 il fonde son garage, Auto-Mathis-Palace. Bugatti et Mathis se connaissent bien, Les deux hommes ont préparé ensemble la course Paris-Madrid 1902 mais la 'De Dietrich' n'est pas admise au départ. Le 31 mars 1904, ils se lient sous contrat. Emile Mathis obtient la « licence Bugatti » pour le monde entier et s'engage à rémunérer l'inventeur italien selon le nombre de modèles produits, plus un intéressement si les coûts de production baissent. Ancien mécanicien chez De Dietrich, Ernest Friderich est aussi embarqué dans l'aventure. c'est un jeune mécanicien plein de talents qui deviendra par la suite ami et pilote. Bugatti rejoint Mathis comme chef ingénieur et va concevoir la Hermes, une grosse cylindrée construite dans les ateliers de la SACM (Société Alsacienne de Construction Mécanique) à Illkirch graffenstaden. Ettore Bugatti s’installe rue de la Nuée Bleue, au troisième étage d’un bâtiment qui deviendra plus tard le siège des Dernières Nouvelles d’Alsace. Sans surprise, ses premiers dessins et prototypes ressemblent aux modèles qu’il concevait pour De Dietrich-Niederbronn. Mais plus légers, les châssis présentent aussi des améliorations techniques comme la boîte 4 vitesses ou les soupapes d’admission placées en haut du moteur. L’aventure dure deux ans. Bugatti et Mathis mettent fin à leur collaboration. Ettore Bugatti est Attiré par les voitures de sport et de luxe et Emile Mathis préfére investir sur des voitures légères, populaires et surtout bon marché. Emile Mathis construira en 1911 sa propre usine au sud de Strasbourg, dans la nouvelle zone industrielle de la Plaine des Bouchers.
 

5 Aout 1906 Coupe Paul Lederlin

Disputée sous un temp superbe, la coupe Lederlin est organisée sur les 9 km de la route du Ballon d'Alsace avec une pente moyenne de 6.83%.  Le départ est donné à Saint Maurice de Moselle et l'arrivée à la frontière du Haut-Rhin. Les 50 chauffeurs issus de différents Automobiles Clubs alsaciens, belfortains, lorrains et vosgiens concourent avec leur propre voiture.

Ettore Bugatti sur Mathis termine 2ème de la sixième catégorie (Châssis de 18.001 à 21.000 Francs).

Ettore obtient un prêt de la Darmstadt Bank. M. Muller, propriétaire de la laverie industrielle située à la Niederbourg à Illkirch lui loue un de ses ateliers. Bugatti se lance dans la fabrication de nouveaux modèles.

En juillet 1907, Ettore Bugatti part chez Deutz(Gas Motor Fabrik Deutz) à Cologne ou il y conçoit les types 8, 9

Parallèlement et avec l’aide de son fidèle ami Félix Kortz, il crée le type 10 (la Baignoire).

Le 25 février 1907, il épouse Barbara Maria Guiseppina Mascherpa, avec laquelle il aura quatre enfants, deux fils et deux filles.

Fin 1908, Etorre Bugatti grand amateur de chevaux, donne le nom de PUR-SANG à ses voitures

Naissance de Jean le 15 janvier 1909

Le 15 décembre 1909, Deutz et Bugatti cessent leur collaboration. Aidé par son ami  Espagnol, le Baron Augustin de Vizcaya, l'un des principaux actionnaires de la Darmstadt Bank, Bugatti décide de créer sa propre société. Il s'installe à Noël 1909 à Molsheim, (en Alsace alors annexée par l’Allemagne) dans une teinturerie désaffectée dont la propriétaire, Melle Geisser, vient de cesser l'activité. La Hardtmühle est constituée de deux ateliers, d'une maison d'habitation ainsi que d'un terrain qui pourra servir à une éventuelle expansion .Le dessinateur Félix Kortz et le mécanicien Ernest Friderich le suivent dans cette aventure. Ernest Friderich recrute les premiers ouvriers.  Vente de cinq Type 10. 

 

Dès 1910 commence la fabrication du Type 13, première voiture portant la célèbre marque Bugatti symbolisée par deux fers à cheval. 75 exemplaires sont vendus en un an. C’est une voiture avec un frein à main sur le tambour arrière, avec mâchoire en fonte frottant sur le tambour et, sur la transmission, un frein au pied.

Ettore Bugatti conçoit dès 1911 une petite voiture légère à deux places dont il envisage de vendre la licence à un autre constructeur afin de financer ses prochaines réalisations. Proposé tout d'abord aux marques allemandes Deutz et Wanderer, le prototype Bugatti est refusé outre-Rhin, avant d'être approuvé par la direction de Peugeot qui débutera la production de cette voiture dans l'usine de Beaulieu (Doubs) à la fin de 1912, après la signature d'un contrat entre les deux parties au mois de novembre 1911. C’est le type 19, la « Bébé Peugeot », 4 cylindres de 855 cm3 produite à 3095 exemplaires.

Sur le plan sportif, Bugatti remporte ses premières victoires avec le type 13. C’est le début d’une longue série de succès. Les bolides bleus, « Les purs sangs de Molsheim » vont tout gagner sur une période de 25 ans. (Plus de 2000 succès entre 1924 et 1934 et un total de plus de 4000 victoires en course).

23 juillet 1911 Grand Prix de France au Mans. Le petit type 13 motorisé par le 1,3L termine 2ème derrière la grosse Fiat dix fois plus puissante.

26 mai 1912, nouvelles victoires Bugatti au Meeting de la Sarthe.

 

Le Type 18, uniquement destiné à la compétition, fait son apparition au Meeting du Mans en mai 1912. Cette voiture sera baptisé « Roland-Garros », du nom du célèbre aviateur qui, en 1913 achète le châssis 474.

En 1914, l'entreprise de Mosheim est réquisitionnée par les autorités allemandes. Ettore Bugatti, ressortissant Italien quitte l'Alsace pour rejoindre Milan emmenant avec lui deux voitures et enterrant sur place trois moteurs. En novembre 1914, Ettore et sa famille regagne Paris.

Le 23 Mai 1915, date de l'entrée en guerre de l'Italie, Ettore est mobilisé en France et entre au service technique de l'aéronautique militaire. Il y conçoit deux moteurs d'avions.  Un 8 cylindres de 220 cv et un 16 cylindres de 410 CV. La mise au point est difficile, mais le projet intéresse les Américains.  Une mission Bugatti avec Friderich part aux US.

Après l’armistice de 1918, l'Alsace redevient française et le Patron revient à Molsheim. Le bâtiment est écroulé et les machines-outils démontées et inutilisables. Pour retrouver des fonds, il vend des licences (Diatto, Crossley, Rabag) . Dés mars 1919, des les châssis sortent des halls de montage à la cadence de dix par mois. 

1920, Ettore Bugatti achète le château Saint Jean datant de 1857. A proximité immédiate de l'usine, c'est la vitrine commerciale de l'entreprise. Le château ne sert toutefois pas de domicile à la famille, même si Carlo Bugatti et son épouse Teresa, les parents d’Ettore, ont passé leurs dernières années au sein d’une des remises de ce petit château. 

1920, c'est aussi c’est le retour à la compétition. Le patron est présent sur tous les circuits.

Ettore Bugatti c’est le Patron, il est fascinant, inventif et extrêmement rigoureux, il supervise absolument tout, il maitrise tout. Lorsque les pièces sont achevées et leur qualité technique validée, le Patron y appose ses initiales à l'aide d'un poinçon marquant chaque pièce de sa griffe faite d'un E renversé adossé à un B. Les ateliers Bugatti ont la réputation d’être hyper ordonnés, c’est la propreté Bugatti. Rien ne traine. Tous les samedi, c’est le grand ménage, les établis sont nettoyés à l’essence, les étaux démontés et remontés, rien n’est laissé au hasard, c’est une propreté de salon. Tout résonne Bugatti, de l’outillage au chiffon, tout est signé Bugatti. Un mélange d’inspiration Italienne mêlée à la rigueur Rhénane. C’est efficace mais surtout très beau.

 

1920 Sarthe Bugatti Friderich

29 aout 1920, Grand Meeting au Mans. La coupe internationale des voiturettes est dominée par les Bugatti. Victoire de Ernest Friderich sur le type 13 à moteur 16 soupapes avec la bagatelle de plus de 20 minutes d’avance.

 

Au cours de l’année 1921, les succès Bugatti vont s’enchainer

8 septembre 1921, Lors du Gran Premio delle Veturette à Brescia en Italie, c’est une écrasante domination des purs sangs de Molsheim. Les type 13 terminent aux quatre premières places. Friderich l’emporte à la moyenne de 115 km/h devant ses co-équipiers, de Vizcaya, Baccoli et Marco. Ce triomphe, qui apporte la gloire à la marque, donnera son surnom « Brescia » à la Bugatti Type 13 et à ses dérivés dotés du 16 soupapes. Ce moteur possède les cotes de 68 x 100 millimètres, soit 1453 cm3. En course, il développe 40 ch, entraînant la Bugatti Type 13 à 140 km/h.

 

1922 grand prix ACF Strasbourg

16 juillet 1922, c’est le Grand Prix de Strasbourg disputé sur 800 km. Le circuit est un triangle reliant Duttlenheim-Entzheim et Innenheim. (C’est sur la ligne droite entre Duppigheim et Entzheim que Jean Bugatti perdra la vie en 1939). Les Bugatti type 29/30 équipées d’un 8 cylindres 2L terminent 2eme et troisième. Initialement les voitures sont équipées avec des carrosseries épousant le réservoir identiques aux Brescia de course, mais peu de temps avant la compétition, celles-ci sont remplacées par une carrosserie profilée, avec une section centrale circulaire partant du radiateur à la pointe arrière où sortait l'échappement. Ces carrosseries sont immédiatement comparées à des cigares. Il n’y avait pas de soufflerie à l’époque, mais on devine l’aérodynamique d’une goutte d’eau.

(Le tracé du circuit de Strasbourg sera réutilisé en 1926 pour le " Grand Prix Automobile d’Alsace " réservé aux catégories 1100cc, 750cc, et 500cc. Bugatti finira aux trois premières places dans la catégorie 1100).

1923 bugatti indianapolis

Alors que deux des quatre voitures ayant disputé le GP de France à Strasbourg avaient déjà été vendues, deux pilotes, le prince Pierre de Viscaya et le Comte Louis Zborowski, se décident alors à acheter les deux voitures restantes pour les faire préparer en vue des 500 miles d'Indianapolis. Des carrosseries monoplaces furent dessinées par le français Bechereau 'designer' d'avions et le tout exécuté à Paris par le carrossier Lavocat & Marsaud. 5 Bugatti sont au départ. La course se dispute comme d'habitude le 30 Mai et les Bugatti se défendent honorablement aux essais, avec les 5 6 et 7ème temps avec une vitesse de pointe de plus de 176 km/h autour de l'anneau. Mais lors de la course elle-même, lorsqu'il fallut maintenir si longtemps de telles vitesses, le système de lubrification ne tint pas la distance et entraîna de fatales défaillances au niveau des roulements. Ironiquement, l'argentin Martin de Alzaga avait justement commandé des moteurs avec roulements lubrifiés mais Bugatti avait oublié de respecter sa demande. Quatre abandonnent sur ennuis de lubrification et le prince Cystria, sur la cinquième, réussit à se classer neuvième.

 

26 et 27 mai 1923. Le Mans. Les constructeurs sont invités à faire la preuve que des machines sorties de leurs chaînes –ou de leurs catalogues– sont capables, avec un homme à bord et un lest variable de respecter des moyennes horaires comprises entre 38 et 66km/h. Bien que destiné aux constructeurs, deux Bugatti Brescia sont engagées par des privés pour cette première édition des 24 heures du Mans. L’usine ne s’engagera officiellement qu’à partir de 1931.

24h lemans 1923 Bugatti Brescia

On dénombre 33 engagés dont 3 dans la classe 1100-1500. Dans cette classe de cylindrée, les deux Brescia devront lutter avec la Corre la Licorne. Le règlement est peu avantageux pour les petites 1500. En effet, les voitures de plus de 1100 cm3 doivent disposer de 4 places, et un lest de 60 kg par place inoccupée doit-être embarqué sous la forme de sacs de sable. Pesant initialement 610 kg, les Bugatti embarquent donc 180 kg de sable supplémentaire en sus du conducteur. (Une sorte de bride avant l’heure). Les conditions sont extrêmement difficiles. La pluie est omniprésente et la piste est boueuse.

Selon C.Moity et JM Teissèdre dans la partie historique de l’annuel 1994 consacré à Bugatti, une pierre va percée le réservoir de la Bugatti de René Marie, le pilote devra se résoudre à faire un aller retour Arnage-Stand à pied afin de dépanner sa voiture. En effet, l’obligation est faite au pilote de réparer seul, sans aucune intervention étrangère.

La Bugatti no 29 termine 10ème et 1ère de sa classe.

 

Avec 1795,248 km en 24 heures, la Bugatti 1,5L no 29 établit par la même occasion un nouveau record du monde de distance dans sa classe de cylindrée. Chargée comme les grosses voitures d'un poids égal à 4 personnes et portant une lourde carrosserie tôle, elle a battu le record du tour et réalise une moyenne de 76 km/h malgré sa petite cylindrée.

 

 

Le 2 juillet 1923, lors du GP de France à Tours, Bugatti aligne les 4 ‘Tanks’, c’est le début de l’aérodynamique. Moteur 2L, freins hydraulique, profils d’ailes d’avion, la voiture atteint 175 km/h mais la tenue de route est médiocre.  Friderich termine 3ème

 

Bibliographie

MCSinfo Robert Schuman Strasbourg

Les 24 heures du Mans 1994 - C Moity/JM Teissedre

Médiathèque André Malraux de Strasbourg

Archives de Strasbourg

Archives du département

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