Le Mans 1975 34 Lamborghini Islero de Paul Rilly

La Lamborghini Islero 34 de 1975Retour en 1975, les 24 heures du Mans doivent faire face aux premiers conflits internes. Pour répondre à la crise pétrolière internationale et bien que le règlement technique soit défini par la FIA, l’Aco qui est l’organisateur de la course, décide de restreindre la consommation de carburant.

En désaccord avec la FIA, l’Aco va limiter les quantités de carburant dans chacune des catégories.

 

Une équipe locale française s’engage dans la catégorie GTX (Voiture de production). Paul Rilly et son ami Robert Levève ont un rêve commun: participer aux 24 heures du Mans une fois dans leur vie.

Le texte en Anglais (English Text) 

Dans un premier temps, Paul Rilly avait prévu d’engager sa Ferrari Barchetta, mais son moteur a explosé au mois de mars. Il décide donc de tenter sa chance avec une Porsche 911, le formulaire d'inscription ACO # 16086 est signé le 7 avril 1975.

Auparavant, courant février 1975, Paul Rilly avait acheté une Lamborghini Islero au Garage Europ Sport, près du circuit de Monthléry (sud de Paris). De couleur argent métallisé, et équipée d’un intérieur en cuir noir, elle est destinée à son usage quotidien. Bien qu’ayant fait une demande pour une 911, il rêve de courir Le Mans avec sa Lambo. Cette idée l’amène à contacter l'importateur français Lamborghini, le Garage Thépenier à Paris.

Enthousiasmé par le rêve de Rilly, Thépenier l’invite fin avril à l'usine Lamborghini. Rilly demande à Ubaldo Sgarzi s'il pouvait préparer une voiture de course. Comme chacun sait, la réponse fût "non" car l’usine Lamborghini ne construit pas de voitures de courses. Mais, Sgarzi propose de louer à Rilly un kit frein et un kit de suspension sport pour améliorer les performances de l'Islero, en échange d'une caution de 15.000 FFR (environ 12.000 euros ou 16.800$ valeur 2007).

De retour en France, Rilly commence à assembler son puzzle Lamborghini. La couleur argentée n'est pas suffisamment attrayante à son goût, elle sera repeinte en orange, une teinte de BMW 2002 Ti. Le moteur est refait, mais la catégorie GTX permet peu de modifications: un arceau, un réservoir de 100 litres, un harnais, un éclairage pour le numéro de course collé sur la portière, des attaches rapides pour le capot, des freins améliorés et enfin les suspensions.

Islero et Porsche 911 de Paul Rilly

Islero et Porsche 911 de Paul Rilly

  La Lamborghini Islero et la Porsche 911 de Paul Rilly

Rilly demande à rectifier son inscription pour engager l'Islero, l’engagement ACO Document # 27251 est signé le 2 juin 1975. L’Islero portera le N ° 34.
 

 

Le Mans 1975

Paul Rilly et Roger Levève

Paul Rilly et Robert Levève 

 

Les tests officiels préliminaires débutent le 11 juin. Bien sûr, Rilly et Levève s'attendent à se qualifier, mais ils vont rencontrer quelques problèmes.

Tout d’abord, la voiture est instable au freinage violent qui suit la longue ligne droite des "Hunaudières". Lors de la deuxième séance d’essai, Edmond Ciclet (Chef mécanicien chez l’importateur Thépenier) modifie l’arrivée d’air afin d'augmenter le flux d'air frais et adapte le réglage des carburateurs Weber. Le lendemain, Rilly souhaite augmenter la puissance du moteur en remplaçant le pot d'échappement d'origine par celui plus court d’une Ford Capri RS!

L’adaptation est faite sans aucune autre modification. Finalement, l'Islero a perdu 1600 tr / min en cinquième dans le Hunaudières. Rilly appelle alors l’importateur Thépenier et Edmond Ciclet, qui vont lui donner par téléphone les instructions pour régler correctement la carburation afin d'enrichir le mélange.

La vitesse maximale augmente à environ 265 km / h mais un nouveau problème apparait. Equipée de pneus de course au profil très bas et d’une suspension sport, l’échappement touche la piste dans les courbes. Là encore, la petite équipe française va perdre beaucoup de temps. Comme vous pouvez l'imaginer, d'autres concurrents dans la catégorie GTX sont beaucoup plus compétitifs et l’écart de performances entre l’Islero et les autres voitures ne cesse de croître.

  LeMans 1975, Islero 34

La Lamborghini Islero au 24 heures du Mans 1975


Vendredi après-midi, Rilly cède le baquet de l’Islero à un Pilote de Formule 2 espérant améliorer les chronos lors des qualifications.



Quelle erreur…

Tout d'abord, les chronos ne s'améliorèrent pas beaucoup mais surtout, le pilote heurte les barrières de sécurité.

Rilly est effondré. Les mécaniciens vont tenter de réparer sans succès la voiture. En fin d’après midi, la voiture est dernière sur la feuille des temps avec un meilleur tour en 5:28.00. Officiellement, l’Islero ne prendra pas le départ des 24 heures du Mans. Rilly quitte Le Mans et rentre chez lui avec son Islero sur une remorque, tandis que ses mécaniciens rangent les outils.

Mais le pire est encore à venir.

Luigi Chinetti, responsable de Ferrari NART a engagé 3 voitures mais malheureusement l'une de ses Ferrari n’est pas qualifiée: N ° 17  308 GT4 - catégorie S, avec un temps de tour de 4:32.90. Il demande aux commissaires de l'ACO d'admettre sa Ferrari et menace de retirer toutes ses voitures NART. L'ACO a refusé et Chinetti retire toutes ses voitures en piquant une grosse colère.

Aucunes des Ferrari du NART ne prendra le départ:

- N ° 45  365 GTB / 4 dans la catégorie GTS

- N ° 46  365 GTB / 4 et N ° 99  365 GT4 BB dans la catégorie GTX.



Pour combler les places vides suite au retrait de l’écurie de Luigi Chinetti, les commissaires de l'ACO passent en revue les voitures non qualifiées et décident de repêcher l'Islero dans la catégorie GTX.

Le stand de Paul Rilly est informé du repêchage. Un de ses amis tente de le joindre à son domicile, mais à l’époque les téléphones mobiles n’existaient pas… personne pour décrocher. Le samedi matin, enfin, Paul Rilly est informé, mais il est déjà trop tard pour ramener la voiture au Mans. Le warm up est terminé et une autre voiture a pris la place de l’Islero.

L’Islero de Paul Rilly aurait pu être la première Lamborghini à prendre le départ des 24 heures du Mans. Aucun doute sur le sujet, l’information est d’ailleurs confirmée par un des responsables de l’Aco, Hervé Guyomard.

Notre cher collègue Lou Herrin, fait des recherches depuis plus de 25 ans sur  l'histoire de cette Islero. De mon côté, depuis la sortie du livre ‘Lamborghini’ de Serge Bellu paru aux éditions EPA, je collecte toutes les informations sur le sujet, notamment de revues françaises. Les journalistes à l’époque étaient très critiques, citant son âge de 6 ans, sa lourdeur : 1443 kg et surtout le fait qu’elle ne soit pas adaptée à une course d’endurance.

 

Début 2007, j’ai appris que Lou Herrin enquêtait sur le sujet et nous avons échangé nos informations.

Le but étant d’identifier le numéro de châssis de l’Islero car le formulaire d’engagement ne mentionne pas ce numéro. Depuis des mois nous enquêtons. Je ne vous raconterai pas toutes les difficultés ou toutes les déceptions que nous avons rencontrées. Au cours de mes recherches, j’ai donc rencontré énormément de monde, dont notamment  Paul Rilly et Edmont Ciclet et j’ai pu m’entretenir avec Hervé Guyomard.

 

Voici à ce jour (12/2007) son histoire complète:

La voiture de Paul Rilly fût la première Islero livrée en France. En juin 1968, elle arrive chez l'importateur français VPM (Voitures Paris Monceau).

La première immatriculation française date du 12 juillet 1968.

Le Journaliste français José Rosinski réalise un essai en juin 1968 alors qu'elle a 4000 km au compteur. L’article est publié en juillet 1968 dans la revue Sport Auto. Il y fait mention que l’Islero est un prototype et qu’il teste l’une des premières voitures produites. L’extérieur est vert pâle, l’intérieur est habillé de cuir noir et la voiture n’est pas équipée de l’option air-conditionné. José Rosinski se plaint d’un freinage mal réglé. M. Lamy (Directeur commercial de VPM) demande alors à son chef mécanicien Edmont Ciclet de vérifier ce point. Au cours de l’essai sur route, Ciclet endommage la voiture. La voiture devant être présentée en octobre au salon de Paris 1968, Ciclet va passer trois semaines à l’usine pour réparer la voiture. Il s’agit de la première présentation au public français de l’Islero. Après le salon, la voiture a été vendue et Edmont Ciclet n’en a plus jamais plus entendu parlé depuis les 24 Heures du Mans 1975.

Le second propriétaire, une personnalité résidant dans le sud de la France, immatricule le véhicule le 14 octobre 1971. Visiblement, le vert pâle n’a pas du lui plaire car il fait la fait repeindre en couleur argent. À la fin de 1974, l’Islero est revendue à Europ Sport Garage près de Monthléry. En décembre 1974, Paul Rilly, homme d’affaire qui possède un garage, la voit et l’achète immédiatement.

Paul Rilly l’utilise pour son usage quotidien. Il n’y a pas de nouvelle immatriculation, puisqu’il conserve les plaques de l’ancien propriétaire.

Depuis, à notre connaissance, la voiture est toujours de couleur orange. Paul Rilly conservera la configuration vue durant les essais du Mans avec son échappement spécifique…. Jusqu’à ce qu’il prenne un PV pour nuisance sonore. Il sera obligé de l’immatriculer à son nom fin 1975.

La voiture fût ensuite revendue à fin du premier trimestre 1977 à Europ Sport Garage.

L’Islero fut à nouveau revendue à une personne nommée David vivant dans la région parisienne en 1977. Ce jeune homme a gardé l'immatriculation. Un ou deux ans plus tard, il est revenu au garage pour acheter une Jaguar ou une Porsche, ayant déjà revendu l'Islero. Le jeune homme s'est suicidé à la fin des années 80. À ce partir de ce moment là, l’enquête devient très difficile.

Toutefois, au cours de mes recherches, j'ai découvert une autre Islero 400 GT orange aux Pays-Bas. J’ai émis l'hypothèse que c'était peut-être la même voiture. Elle a eu par le passé une peinture argent, possède un intérieur cuir noir et à l'évidence elle revient de France. Cependant, j'ai été déçu de constater qu’il n’y avait aucunes traces de préparation course. Selon ses papiers français, elle vient de la région du Mans. Son numéro de châssis est le # 6348. 

En fait, le médecin qui l'a achetée en décembre '74 avait vu la voiture de Paul Rilly lors des qualifications des 24 heures du Mans 1975 et la ressemblance avec la voiture de compétition fût l’une des raisons qui le poussa à la repeindre en orange. Il revendra par la suite cette voiture à un spécialiste automobile à Dijon, M. Lalane. C’est à ce moment qu’un collectionneur Belge, M. Perry la racheta pour l’emmener en Belgique. La voiture sera une nouvelle fois revendue, à un aristocrate Belge, M. Genarolli qui la conservera dans sa collection pendant 29 ans. Assez confus, non?

Maintenant, vous vous demandez peut-être comment puis-je être sûr à 100% du numéro de châssis de l’Islero du Mans 1975.

Parmi toutes les pistes et les informations recueillies, j'ai notamment reçu un courrier officiel émanant des autorités françaises. Cette lettre confirme l’immatriculation, reprise sur l’un des nombreux documents ACO, correspondant au châssis no # 6009.

Paul Rilly m'a beaucoup aidé en me fournissant les copies de tous les documents ACO qu’il possède toujours.

Paul Rilly
Paul Rilly aujourd'hui


Nous aurons une pensée pour son ami, Robert Levève, décédé malheureusement en 1994 dans un accident de voiture.
Ma quête n'est pas terminée aujourd'hui. Je suis toujours à la recherche de l’Islero # 6009 parce qu'elle a croisé "ma route" un jour…

Mon père possédait une Lamborghini Jarama GTS en 1977 et lors d’un périple en France, nous avions rencontré Paul Rilly et son Islero, sans savoir ce que Paul avait fait auparavant en 1975.

Le jeune enfant que j’étais alors n’aurait jamais imaginé être à la recherche de cette voiture 30 ans plus tard. Avec mon expérience de la course, mon objectif est de la faire participer à des compétitions historiques comme Le Mans Classic.

Si quelqu’un peux m’aider à la localiser au cas où elle existerait encore (région Parisienne ?), ce serait fantastique.

Si par contre, quelqu’un peut me confirmer qu’elle fut détruite autant le savoir et clore le sujet.

 

Olivier NAMECHE

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Copyright 2007 Olivier Nameche

 

(1) Suite à la crise pétrolière, l'Aco a imposé des nouvelles règles concernant la consommation de carburant. Il faudra boucler 20 tours avant de ravitailler. Suite a cette initiative, la fédération internationale a immédiatement exclu l'épreuve du championnat du monde.

(2) A quelques heures du départ, Luigi Chinetti est mécontent. Sa Dino 308 GT n'est pas admise au départ et on lui refuse de recomposer les équipages des 3 autres Ferrari du Nart. De colère, il retire ses voitures. Pour des raisons techniques, l'écurie Pozzi déclare forfait. L'Aco repêche au dernier moment la Sigma, la Datsun et une 911. C'est la grosse confusion, la Porsche des équatoriens Merello, Madera, Marrea en profite pour se faufiler sur la grille. La voiture prendra le départ et va effectuer 3 tours avant que les officiels ne découvrent la supercherie et stoppent la voiture.

(3) Islero est le nom du taureau de la ganadería Miura de 495 kilos qui encorna mortellement le célèbre torero Manolete. Islero était le cinquième taureau (le second pour Manolete) de la corrida tenue le 28 août 1947 dans les arènes de Linares, en Andalousie. Manolete avait déjà donné l'estocade à Islero quand celui-ci lui porta un coup de corne à la cuisse.  (Wikipedia.fr)

 

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