Le premier pilote Brésilien aux 24 heures du Mans

Bernardo Souza DantasBrésilien, mais est né en France d'une mère française et d'un père brésilien, Bernardo Pedro Manoel de Souza Dantas est né à Paris le 26 Juin 1912. Le 15 Juin 1935, au volant de sa Bugatti T57 no 6, il devient le premier pilote Brésilien à prendre part aux 24 heures du Mans. 

 

 

- Comment avez-vous découvert l’automobile ?

J'ai commencé à conduire quand j'étais gosse, enfant, avec les voitures de la famille. Quand j'ai eu 18 ans et les compétences, j’ai demandé à mon père d'acheter une voiture. Et la première fût une Bugatti, à l'époque, la voiture avait le même prestige qu’une Ferrari aujourd'hui.

- C'était une belle voiture de sport ...

Il y avait plusieurs bonnes marques, mais la Bugatti était la plus célèbre des voiture de sport dans le monde, avec plusieurs victoires en Grand Prix. J'ai commencé à faire des compétitions en rallye avec la première voiture, puis j'en ai eu une autre mieux.

- Vous souvenez-vous en quelle année c’était ?

C’était en 1931 ou 1932. À cette époque, les 24 Heures du Mans étaient la plus grande course automobile, la plus prestigieuse dans le monde au-delà des Grands Prix. Pour moi, Le Mans avait un avantage, la course se disputait en voiture de sport. Un Grand Prix automobile coûtait une fortune à l'époque mais une voiture de sport était bon marché. La réglementation imposait l’utilisation d’équipements de série: équipements électriques avec quatre phares pour courir pendant la nuit si le moteur avait plus de 1500 cc, et ainsi de suite. Le règlement était strict, on ne pouvait pas ravitailler n’importe quand. J'ai donc envoyé la voiture pour la faire préparer en vue de participer à la course de 1935. Ce fût une expérience très intéressante, mais malheureusement je n'ai pas été très brillant.

- Que vous souvenez-vous de la course ? Vous vous rappelez du départ ?

Au départ des 24 Heures du Mans, les voitures sont garées en épis et les pilotes qui sont debout de l’autre côté de la piste doivent courir vers la voiture au signal du départ. C'était comme ça avant mais ce n’est plus le cas. Les voitures étaient placées sur le bord de la piste en fonction du numéro, de 1 à 60 en commençant par les plus grosses cylindrées. En 1935, il y avait 60 concurrents (58 en réalité)  et j’étais en 6ème position. J’ai roulé à ma cadence, car sur une course de 24 heures vous devez suivre un tableau de marche précis. Le circuit de 13 km était intéressant. Vous pouviez faire un tour, deux tours ou trois tours en répétant toujours les mêmes choses, les mêmes vitesses, les mêmes changements de rapports mais sur un tour de 13 km, il y avait des différences de plusieurs secondes. Ce fût une très bonne expérience.


- Vous avez pris de départ ?

J'ai commencé la course. Avec mon coéquipier (le français Roger Teillac) nous avons tenu 19 heures, avec de la pluie au départ et pendant la nuit, mais la voiture a cassé.


- Et votre équipe ? Combien de mécaniciens ?

A cette époque, c’était beaucoup plus simple qu'aujourd'hui. Il y avait deux mécaniciens pour les ravitaillements qui s’effectuaient toutes les deux heures. Après deux heures de course, le partenaire partait pour un nouveau relais. Nous avons tenu 19 heures, la voiture n'était plus en mesure de rouler et nous avons du abandonné.

- Vous vous souvenez de votre position avant que la voiture ne commence à avoir des problèmes ?

J’étais 6ème pendant un certain temps. Puis la voiture a commencé à avoir des soucis, nous avons dû nous arrêter pour réparer et nous avons plongé au classement jusqu’au  moment ou nous avons du abandonner sur problème de boite de vitesses, nous étions alors 19ème.

 

LM1935 Bugatti 6

- Votre équipier était français ?

C’est un français. C'est lui qui a préparé la voiture. C’était un expert en mécanique. Il me semble qu'il avait travaillé dans l'usine Bugatti et a ensuite travaillé dans un atelier spécialisé à Paris qui ne travaillait que pour Bugatti. Il a accepté de préparer la voiture et il l’a fait gratuitement, mais il a commis quelques erreurs dans la préparation, ce qui a causé nos soucis.

- Vous rappelez-vous de la voiture ?

Oui, la Bugatti était un modèle 57, avec 8 cylindres. Elle était bleu marine avec des numéros blancs, toutes les voitures avaient des numéros blancs. Dans cette course, il n’était pas obligatoire d'avoir la voiture aux couleurs de la nationalité du concurrent. La couleur bleue, c’est pour la France, mais elle était d’un ton clair.

- Vous n'avez pas recouru au Mans ?

Non, il y eu le Front populaire. Il y a eu des morts et ils ont annulé la course en 1936. Après cela, j'ai eu un gros problème financier. Ma fortune venait de ma mère et j’avais investi dans l’entreprise d’un ami qui a fait faillite. J'ai été obligé de vendre ma voiture et j’ai vécu avec ce qu’il me restait. J’ai arrêté la course automobile.

- Ou êtes-vous né?

Je suis Brésilien, mais est né en France d'une mère française et de père brésilien. Je suis né à Paris, le 26 Juin, 1912. Sur mes papiers brésiliens, mon identité est Bernardo Pedro Manoel de Souza Dantas, mais en France  on m’appelle Pierre Bernard Manoel. Je me présente aux gens sous Bernardo.

- Quand êtes-vous venu habiter au Brésil ?

Lorsque j'ai eu ce problème financier. Après avoir terminé mon école d'ingénieur, je suis devenu ingénieur en l'aviation. La guerre (la Deuxième Guerre mondiale) était en proche, et tout le monde le savait. En 1937, 1938, Paris était dans un chaos. J'ai commencé à travailler dans une entreprise qui fabriquait des moteurs pour les avions militaires français. Puis vint la guerre et j’ai travaillé dans une usine. Les Allemands sont entrés en France, ont occupé l'ensemble du pays et l'usine a fermé. Je ne pouvais pas faire quoi que ce soit à Paris. J'étais sans argent, sans travail et j’ai pensé: «Dans une minute, le Brésil va entrer en guerre et ils vont m’envoyer dans un camp de concentration. J’ai pensé au Brésil ». Je suis arrivé au Brésil à la fin de 1940.

- Vous avez couru au Brésil ?

Ici au Brésil, j’ai participé à la ‘Prova Presidente Getúlio Vargas’. C’était en 1941. J’ai accompagné un ami, Georges A. Macedo, et la voiture était une Hotchkiss.


- C’était à Interlagos ? 

Non, c’était une épreuve sur route et à cette époque ça se disputait presque toujours sur des chemins de terre. Une aventure extraordinaire dont le gagnant fût Juan Manuel Fangio qui à ce moment là était peu connu en dehors de l'Argentine.

- Quelle est votre relation avec l'ambassadeur Luiz Martins de Souza Dantas ?

C’etait mon cousin.

 

- Il était plus âgé que vous ?

Bien plus. Je vais parler un peu de ma famille. Mon grand-père était sénateur ... Dantas
 

- Presque toutes les villes brésiliennes ont une rue ou une avenue de ce nom ...

Il s'agit d'une figure connue, car il a aidé à mettre fin à l'esclavage. Il a été chef du gouvernement plusieurs fois. Le sénateur Dantas, dont les décorations sont ici, a sept enfants et je suis le septième fils du plus jeune. L'ambassadeur a été le premier enfant. Ensuite, il y a une grande différence d'âge. Mon père a plus tard épousé une française, à Paris. Quand je suis né, mon père avait 50 ans. Il y avait donc une grande différence d'âge entre moi et mon cousin, l'ambassadeur de Souza Dantas.


- Quelles étaient vos relations avec les autres pilotes ?

Je suis allé faire du ski avec Chiron, nous sommes allés en Autriche un hiver.

- Vous avez remporté beaucoup de victoires ?

Avant de courir au Mans, j’ai remporté quelques victoires et des deuxièmes places dans des courses de côtes.

- Avec la même voiture qu’au Mans?

Non, c’était une autre Bugatti.

- Quel est le meilleur souvenir que vous avez conservé en tant que pilote ? 

Les meilleurs résultats obtenus en rallyes ou en courses de côtes. Mais la grande course fût Le Mans, même sans avoir pu y obtenir un bon résultat. C’était une course très importante, comme aujourd'hui.

 

Interview réalisé en décembre 2002 à Sao Paulo. Traduction d’un document de Luiz Alberto Pandini  www.gptotal.com

 

 Une participation aux 24 heures du Mans

 

24 Heures 1935

Bugatti T57  N°6

Engagement Bernard Souza Dantas

Moteur : L8 Bugatti 3257 cm3

 

Pilotes :

Bernardo Souza Dantas BRA

Roger Teillac FRA

  Lemans 1935 Bugatti T57 no 6

Résultats :

Abandon - Boîte de vitesses

Distance  1740,468 km –  129 Tours

 

 

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