En aparté avec Loïc Duval, pilote de l’Audi R18 Ultra no 3

Loïc Duval pilote Audi Ultra 3Deuxième des 12 Heures de Sebring en mars, puis vainqueur à Spa aux côtés de son compatriote Romain Dumas et de l’Italien Marc Gené, Loic Duval est candidat à la victoire aux 24 heures du Mans 2012 au volant d’une Audi ‘conventionnelle’.

 

Loïc Duval pilote Audi Ultra 3

Comment s'est passé ton intégration dans l'équipe Audi ?

Bien, j'ai été plutôt bien accueilli. Je connaissais quelques pilotes de renom et  surtout Benoit et André avec qui j'ai roulé plus de cinq ans au Japon. Nous sommes des proches et l'intégration s'est faite grâce à leurs supports. Ce n'est toutefois pas simple quand on voit la grosse machine Audi, il y a énormément de monde et je ne connais pas encore le prénom de tout le monde. Les résultats réalisés avec mes équipiers sur la n°3 depuis le début de l'année facilite énormément l’intégration, nous avons fait du bon boulot.

Tu viens d’évoquer la renommée à l’instant, est-ce que le fait d’avoir réalisé le meilleur tour en course il y a deux ans sur la Peugeot a été l’évèment déclencheur de ton recrutement par Audi ?

A l’époque, ça a certainement aidé à me faire connaitre car ma carrière se déroulant au Japon, il y avait peu de retombées en Europe. Pour la renommée des autres pilotes de l’équipe, la lecture des différents palmarès parle, ça impose le respect mais d’un autre côté, nous faisons le même métier, nous sommes aussi là pour nous battre contre eux.

Au niveau des stratégies des voitures, tout le monde a le droit de tout faire ? Stratégies secrètes ? ou tout le monde mets les cartes sur table ?

Nous partirons sur les mêmes bases qu’à Spa. Les autos sont les mêmes, tout le monde connaitra les infos sur les réglages, les relais et les différents moments de ravitaillements. Il faudra bien entendu faire très attention aux uns et aux autres, c’est une volonté bien légitime du Team.

Avec les moyens engagés, Audi ne peut que gagner ?

Nous sommes là pour gagner et on se prépare au mieux pour gagner.  Il ne faut toutefois pas oublier les autres. Tout le monde nous donne favoris, c’est compréhensible mais Toyota est une grosse pointure. Ils viennent juste d’arriver mais ils arrivent avec de gros moyens. On verra

Mais il n’y a pas de diesel chez Toyota ?

Je pense qu’aujourd’hui si on regarde la règlementation ils sont avantagés. Ils n’ont pas le diesel mais ils disposent de 15 litres de carburant supplémentaire, les brides sont aussi plus grosses. Je ne pense pas que Toyota soit venu en endurance et au Mans avec la conviction de se voir distancer par les diesel  et avec l’espoir de perdre. Je pense que s’ils sont venus sans diesel, c’est qu’ils ont jugés qu’ils avaient  des chances de faire mieux que nous.

Pour Toyota, c’est une année  d’apprentissage

Oui, effectivement. Le handicap risque peut-être d’être là car concernant le moteur je pense qu’ils sont avantagés.

Au niveau sensations de pilotage entre une Audi R18 et une Peugeot 908, que peux-tu nous dire ?

Ce sont deux voitures fermées, conçues avec la même règlementation, les deux autos sont donc très proches. Au niveau sensation, La Peugeot a toujours été très vive, mais le comportement reste assez  similaire.

Le Mans est une course un peu particulière. On retrouve au départ des champions très connus dans des équipes usines hyper professionnelles et d’un autre côté des pilotes amateurs avec une expérience en compétition quelquefois limitée. Que penses-tu de ce mélange ?

Ca a toujours fait partie de l’histoire du Mans. Avec la vitesse à laquelle nous roulons, il faut s’assurer que tous les pilotes aient un minimum de compétences pour disputer cette course car  Il y a d’énormes budgets engagés et qu’il y a aussi des risques. Il y a eu des exemples dans le passé avec des pilotes qui n’avaient peut-être pas le niveau  mais ça n’a rien à voir avec le fait qu’ils soient amateurs. Il y a des amateurs avec un excellent coup de volant, digne des meilleurs. C’est la plus grande course du monde, c’est bien de retrouver des amateurs mais il faut s’assurer qu’ils aient le niveau.

Il faut qu’ils conduisent avec les deux yeux dans le rétro, ce n’est pas facile.

C’est un tout, c’est forcément une course difficile pour eux. Faire la course en regardant dans le rétro, ce n’est pas facile et c’est quelque chose que je n’aimerai pas forcément.

Au niveau des simulations avant Le Mans, que peux-tu nous dire ?

Il y a eu beaucoup de travail chez Audi, sans doute comme les années passées. Mais cette saison, nous avons deux technologies différentes

La technologie Etron-Quattro peut-elle être un plus au Mans?

Le système ne se met en marche qu’à partir de 120 km/h mais ça aide, surtout sous la pluie. Ça peut faire une grosse grosse différence dans des conditions difficiles.

La technologie  Quattro a fait la réputation de la marque Audi. Son utilisation en compétition semble naturelle. Toyota a également une technologie hybride mais le constructeur  a choisi d’accroitre la puissance sur les seules roues arrière. En cas de pluie, Audi semble avantagé ?

Ce sont des choix de constructeurs. Audi a une philosophie Quattro, Toyota a fait un choix différent. Tout le monde utilise le même règlement et tout le monde pense avoir fait le bon choix. On verra par la suite.

Sur l’E-tron Quattro que tu as pu essayer, y a-t-il une procédure spéciale pour le déchargement des batteries en cas d’intervention ou d’accident ?

Il faut être sure que la batterie soit complètement déchargée avant d’intervenir. Il y a une lumière verte allumée sur la voiture qui indique que l’on peut intervenir  et une rouge quand le système est encore en marche. Dans ce cas, il ne faut absolument pas toucher au véhicule. Toutefois, si c’est rouge, ce n’est pas obligatoirement un risque, c’est une mesure de sécurité.

La décharge est automatique ou c’est le pilote qui l’actionne ?

C’est une procédure automatique. Nous n’avons rien à faire.

Au cours du contrôle technique, on a pu assister à des simulations d’extractions, on a constaté que les intervenants étaient équipés de bottes et de gants en caoutchouc. Il y a un risque ?

C’est uniquement une précaution de l’ACO.

Les pilotes hybrides ont-ils des équipements particuliers ? gants ou bottines dans une matière spéciale par exemple ?

Nous sommes à l’intérieur du véhicule dans une cage de Faraday, donc nous ne risquons absolument rien. Le risque, c’est uniquement en quittant le véhicule mais nous sommes en liaison radio avec l’équipe qui peut éventuellement nous informer en cas d’anomalie.

Il y a-t-il des contraintes ou des manœuvres supplémentaires quand on pilote une hybride ?

Il y a deux ou trois boutons supplémentaires mais pas de contraintes.

Tu sens la puissance arriver à partir de 120 km/h ?

Oui bien sûr. Il ne faut pas oublier que c’est l’équivalent de 200cv supplémentaire. 100 CV par roue.

Pendant combien de temps ?

C’est très variable, tout dépend du niveau de charge. Mais je n’ai pas fait suffisamment d’essais sur la E-Tron pour te répondre précisément.

Entre l’E-Tron que tu as pu essayer et l’Ultra que tu utiliseras aux 24 heures, c’est juste une question de puissance ou y a-t-il d’autres différences ?

Ce sont exactement les deux mêmes voitures. Il y a d’un côté un système hybride plus lourd sur l’avant mais les réglages font que ça reste très proche au niveau comportement.

Quels sont tes espoirs au volant d’une voiture conventionnelle face aux voitures dotées des dernières technologies ?

Espérer qu’il ne pleuve pas. Sous l’eau comme tu as pu le voir à Spa, c’est un système extrêmement intéressant et un cran au-dessus en terme de performance. Après, on ne connait pas vraiment l’avantage sur un circuit comme Le Mans . On en saura d’avantage après les premiers essais mais comme tu l’as vu à Spa, tout est possible. L’Ultra est extrêmement performante.

Tu as du répondre 100 fois à la question mais quelles sont les consignes entre les pilotes Audi. Ne pas s’attaquer ?

Ce sera comme à Spa. Tout le monde va jouer sa carte. C’est une course, personne ne décide qui sera premier, deuxième, troisième etc... et au Mans, tout est toujours possible.

En cas de suprématie Audi à deux heures de l’arrivée, tu ne redoutes pas la frustration si on te demandait de suivre une consigne que te priverait de la victoire ?

A partir du moment où tu t’engages avec un grand constructeur, c’est pour répondre à ses attentes, peu importe les attentes.

interview Loïc Duval

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