Le Mans, 15 et 16 Juin 1974

Ferrari ayant renoncé, Alfa Romeo pourtant vu à son avantage aux essais d'avril déclarant forfait, Matra est le grandissime favori de cette édition 1974. Une édition à haut risque pourtant pour la marque française qui n'a absolument aucun droit à l'erreur face à une faible opposition et qui de toute façon ne pourra tirer tout le profit d'une troisième victoire trop facile. 

 

Comme les années précédentes, Matra aligne tout de même quatre voitures : la nouvelle 680 pour Beltoise Jarier et trois 670B pour Pescarolo Larrousse, Jabouille Miigault et Jaussaud Wollek Dolhem. Face à cette armada, la principale riposte vient de l'équipe Gulf - Wyer dont les Mirage ne cessent de progresser et de l'équipe Martini qui aligne deux Carrera Turbo de 450 ch.

 

La course

24h lemans 1974 grille de depart

Pescarolo pris immédiatement la tête devant Jarier.

En moins de quatre tours, les quatre Matra s'installaient en tête devant la Gulf 1 de Bell, la Porsche Turbo 22, les Ligier 14 et 15. Parfaitement maîtres de la situation, les Ducarouge, Boyer,Cautrin et Martin (Staff Matra) pouvaient voir venir. On arrêtait d'abord les voitures impaires puis les paires pour les ravitaillements. 

 24h lemans 1974 Gulf Mirage John Wyer

A 19h35, Jarier quitte son stand après avoir ravitaillé. La Porsche Kremer 68 quitte alors son stand sans tenir compte des signes du commissaire de piste. Jarier eut beau freiner, ce fut l'accrochage. Chez Matra, les mécanos arrivent en courant et constatent que le capot avant est dechiqueté à droite. Il faut faire un tour complet au ralenti avant de faire le diagnostique. Il faudra changer le capot, le corbeau, l'étrier, les disques de frein, la barre anti roulis....59 minutes de perdues. Adieu la 2eme place et retour en piste en 20eme position.

A peine remis de leur émotion, les hommes de Matra connaissent de nouveaux soucis. La 9 de Migault Jabouille consomme de l'eau et le circuit de refroidissement en souffre. Conséquence, les arrêts au stand se multiplient. Beltoise  et Jarier remontèrent jusqu'en 7eme position en 3 heures, mais ils avaient beaucoup demandé à leur moteur. A 23h44 la nouvelle 680 crachait ses bielles. c'est l'abandon. Il est sur les circuits une règle redoutée, celle de l'enchainement fatal, comme si un malheur en appelait d'autres. Cinq minutes plus tard et sans que rien ne l'ait laissé prévoir, la Matra 8 de Wollek Jaussaud cède au même mal. Réduit à 50% et avec une numéro 9 en difficulté, Matra n'est plus en position de force.

L'opposition s'organise. Même si la Ligier de Chasseuil, la Gulf de Shuppan et la Porsche Turbo de Koenig ont capitulé, les 15,11 et 21 restent menacantes. Ainsi se passa la nuit. A 4h du matin,  Bernard Boyer voyant passer la Porsche Turbo lacha "Elle ne va pas vite, mais elle a le seul secret qui compte en course, elle ne s'arrête pratiquement pas en dehors des ravitaillements". Ce n'était malheureusement pas le cas de la Matra 9 qui cumulait les arrêts. A 10h00 du matin, la Matra 7 de Larousse Pescarolo avec 266 tours devance la Porsche Turbo 22 de 10 tours, la Matra 9 à 21 tours, la Gulf 11 de Bell à 27 tours. Avec 10 tours d'avance, Pescarolo et Larousse paraissaient tranquille....

 

A 5 heures de l'arrivée, cette sérénité fit place à la panique.

Dans les hunaudières qu'elle avait l'habitude de dévaler à 330 km/h, la Matra est au ralenti et peine à revenir au stand. Décidemment, ces 24 heures seront un enfer pour les bleus. Le moteur est à peine coupé que la voiture est déjà sur les crics. Sans manifester d'affolement, Henri Pescarolo ôte son casque vert et indique que c'est la boite de vitesses. Le diagnostique est rapide, il n'y a plus de 4eme et de 5eme rapports, Il faut refaire la boite. Chacun sait ce qu'il a a faire sans gener l'autre. L'opération dure en temps normal une heure. Valse des clefs de tous les calibres, peu de paroles, mais des gestes précis. Pescarolo qui est resté au volant ne pipe pas mot, il attend imperturbable comme perdu dans une lointaine méditation. Alors s'entama entre les mécaniciens et les voitures rivales qui tournaient gaillardement une véritable course contre la montre.

24h lemans 1974 porsche 22

L'avance sur la Porsche 22 était d'environ 48 minutes. A 10h59, les mécanos attaquèrent, à 11h18, l'avance a fondu à 7 tours, à 11h48 alors que la Porsche est revenu à un demi tour, la foule rugit de plaisir : la 7 reprenait la piste conservant sa  1ere place. Les mécanos avaient gagné.

Il n'en fallait pas davantage pour que délaissant campings et réceptions, les spectateurs regagnent les gradins et les virages pour assister à la lutte finale.  Avec autorité, Pescarolo Larousse reprenaient leur distance. A 15h, et bien qu'économisant leur mécanique, ils comptaient 5 tours d'avance sur la Porsche, 13 tours sur la Matra 9, 21 tours sur la Gulf 11, 23 tours sur la 71.

24h lemans 1974 Matra ms670 de Larousse

Pour que la fête soit complète après tant d'émotions, les Matra 7 et 9 se regroupèrent, bouclant les 2 derniers tours roues dans roues. Larousse passa la ligne d'arrivée en vainqueur mais que d'émotions dans le camp des bleus. La Porsche Turbo 22 de Muller Van Lennep termine 2eme. Place pleinement méritée qui laisse à penser que le constructeur allemand à pris une sérieuse avance dans la conception de la future 'voiture silhouette'.

Chez Matra, après tant de rebondissements, on savoure. La 9 de Jabouille Migault auteurs d'une course fantastique l'oeil rivé sur le manometre de temperature d'eau termine 3eme. La cure énergétique de 'Wondarweld' (produit destiné a colmater les fuites) a eu des effets insoupconnés.

La Gulf de Bell qui eu pourtant bien des soucis termine 4eme et prouve que le V8 Ford peu tenir 24 heures.

Triplé pour Matra et Pescarolo, et doublé pour l'équipage Larousse Pesca qui ont pris la tête dés le départ et l'ont conservé jusqu'à l'arrivée. Gonzales Trintignant en 1964 puis Gendebien Frere en 1960 avaient déjà réussi cet exploit. Benoist et Wimille en 1939 avait du attendre le 9eme tour avant de prendre la tête.

Pour 1975, les règles changent et l'avenir se dirige plutôt vers les voitures silhouettes.

Vidéo de l'INA

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