La première voiture à porter le nom de son sponsor

Alain De Cadenet est le premier à engager au Mans une voiture portant le nom d’un sponsor (si l’on veut bien faire exception de Monopole dans les années 50 ou de Howmet en 68), sans que cela ne choque personne, contrairement à ce qui se passera en 1976 avec l’affaire Inaltera.

 

 

Certes, il s’agit d’une firme très liée avec l’automobile. Et c’est pourquoi elle portera une robe jaune à bande bleue Considérée un peu comme un clone de la Ferrari 312PB

Le rêve d'Alain De Cadenet est d’engager une auto anglaise dans la mythique épreuve. Sa BT33 lui donne l’opportunité d’avoir des contacts chez MRD. Il y fait la connaissance d’un jeune ingénieur sud-africain. Ce jeune ingénieur débutant est Gordon Murray. A cette époque celui-ci est l’un des cinq concepteurs de l’équipe anglaise. S’ennuyant quelque peu chez Brabham ou il ne peut exprimer complètement ses idées, il cherche ailleurs. C’est dans un pub londonien qu’ Alain De Cadenet va lui demander de le rejoindre pour concevoir une voiture capable de gagner les 24 Heures du Mans 1972. Et c’est Gordon Murray qui payera les bières. « he was earning, I wasn’t » justifiera De Cadenet.

Mais Bernie Ecclestone, patron de Brabham, refuse de laisser partir Gordon, voyant certainement en lui un ingénieur de talent. Le deal proposé par le rusé Bernie sera le suivant : Gordon travaillera chez Brabham le jour et dessinera le proto d’Alain….la nuit.

De son coté, Alain de Cadenet réussi à convaincre la firme Duckhams de financer son ambitieux projet. Locataire d’un deux pièces mal chauffé qu’il partage avec son épouse, il installe sa planche à dessin dans le couloir entre les deux pièces. Travaillant de 8 heures à 3 heures du matin. Il conçoit une monocoque toute en y adaptant les suspensions de rechange de la Brabham F1.

Le cahier des charges « oral » fixé par Alain de Cadenet est que les fournisseurs soient de préférences anglais. Le moteur est un Cosworth DFV acheté 1 500 £ à McLaren, qui est le moteur victorieux du GP de Belgique…1968 ; il et accouplé à une boite Hewland DG 300 achetée à Peter Connew dont l’aventure en F1 a tourné court. Keith Duckworth, peu convaincu de la prestation de la Ligier JS3 en 1971, tentera en vain de dissuader Alain De Cadenet d’utiliser l’un de ses moteurs pour les 24 heures. Et pourtant ce moteur, fera Le Mans au moins 5 fois !

De son coté, Gordon Murray n’est pas sûr de lui. Il sait ce qui casse sur une F1 après deux heures de course mais il est dans le doute pour une course de 24 heures. Il donc va multiplier par deux tous ses calculs de résistance des matériaux. Il double le circuit électrique et mets deux batteries.

A l’époque, on ne peut rajouter d’huile pendant la course, alors il installe un réservoir de 7 gallons. Conçue et fabriquée en huit semaines, la Duckhams est assemblée, chez de Cadenet dans un box de Petersham Mews à Londres par Kim Argyle et Mike Barney à qui une bande de copain vient de temps en temps prêter main forte.

Pendant ce temps, à l’étage, Mme de Cadenet est enceinte d’Amanda: "ca a été amusant, on travaillait 18h par jour à construire l'auto et il fallait aussi s'occuper d'Amanda qui venait de naitre: mon mécano Mike Barney avait deux jobs, un sur la voiture et un à l'étage, avec son expérience de père, en montrant à ma femme la façon de procéder pour s'occuper d'Amanda !" Gordon Murray touchera 250 £ de l’époque et une calculatrice HP qui trône encore aujourd’hui dans son bureau


Le proto est réputé avoir coûté seulement 7 000 £ de l’époque et effectuera en tout et pour tout une vingtaine de tours du circuit de Silverstone aux mains de Chris Craft avant de se présenter aux vérifications techniques dans la Sarthe. Une rumeur néanmoins fort probable parlera également de quelques aller-retours à 200mph sur l’autoroute M4. Il est par contre sur que lors de la semaine du Mans la Duckhams fera quelques runs dans la campagne mancelle. Lors du pesage au Mans, Gordon s’attends à ce que sa création, avec 687 kg soit trop lourde. Mais lorsqu’il s’aperçoit que la Porsche 908 et les Matra avoisinent les 715 kg, il prend peur en estimant que sa création est trop fragile.

 

Duckhams   N°68 - Duckhams Oil Motor Racing

1972 65 Duckhams

Catégorie : Sport

 Moteur : V8 Ford Cosworth DFV 2993 cm3

Pilotes :

- Alain De Cadenet

- Chris Craft 

Course   :12ème
Distance : 3928 km
Moyenne : 163,67 km/h

Qualifications: 11ème
Temps : 4'03"9
Moyenne : 201,328 km/h

 

La Duckhams innove quand même avec un aileron placé bas en porte à faux, dans le même esprit que les Lola T280 de Jo Bonnier (sur lequel est inscrit Amanda, née quelques semaines avant l’épreuve, le 19 mai). « c’est cette voiture qui a lancé ma carrière » dira quelques années plus tard Gordon Murray. Après avoir brillée en début de course, elle était 5ème jusqu'à l'averse du petit matin qui à fait partir Chris Craft en aquaplanning au Tertre Rouge,. La Duckhams, aux mains de son commanditaire et de Chris Craft, terminera à la 12ème place. Le DFV avait tenu, et mieux malgré ses vibrations destructrices, la voiture avait tenu.

Document rédigé par JFH et publié avec son aimable autorisation

 

 

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