Après la défaite essuyée à Daytona face aux Ferrari P4, Ford évite toute confrontation. Quelques jours avant les 24 Heures du Mans tout pronostic est impossible. La tension est à son comble et cette édition prend une dimension qui dépasse le simple cadre du sport automobile. Mené à un rythme de Grand Prix, le dernier acte du duel Ford-Ferrari se confondra à jamais avec l'apogée de l'endurance.
Après le triplé victorieux de 1966 assorti d'un double titre mondial en Sport et Prototype, Ford a atteint tous ses objectifs. Travaillant d'arrache-pied depuis plus de deux ans, ingénieurs et mécaniciens aspirent au repos et le nouveau défi lancé par Henri Ford les prend au dépourvu.
 
De son côté, Ferrari qui n'est jamais aussi fort que dans l'adversité a affûté dès l'automne sa nouvelle P4 et celle-ci s'est montrée d'emblée très impressionnante. Alerté, Ford ne réagit pourtant pas et va pêcher par excès de confiance en décidant de jouer une fois encore la loi du surnombre. Aux 24 heures de Daytona, cette fois ce sont les six Mk II qui vont s'essouffler d'abord avant de casser en essayant de suivre le rythme imposé par les Ferrari. Le constructeur américain digère mal l'image des trois Ferrari passant triomphalement la ligne d'arrivée de Daytona.
Si la transmission des Ford porte la responsabilité de l'échec, il ne faut cependant pas se masquer la réalité : les lourdes et vieillissantes Mk II sont bel et bien surclassées par les nouvelles P4. Cette débâcle est un véritable électrochoc pour toute une équipe qui recherchait une nouvelle motivation après avoir tout gagné.
 
Le projet J à châssis monocoque allégé est réactivé de toute urgence et donne naissance en quelques semaines seulement à la Mk IV. La "petite dernière" débute à Sebring et s'impose dès sa première sortie. Une victoire facilitée par l'absence des Ferrari, mais riche de promesses, car la Mk IV s'est montrée aussi rapide que la Chaparral et très supérieure que la MK II notamment au niveau du comportement routier. La confiance revient dans le camp Ford qui lance la construction de quatre châssis pour les 24 Heures et pour mieux s'y préparer décide de faire l'impasse sur toutes les manches européennes du Championnat.
 
L'unique confrontation entre la Mk IV et la P4 aura pour cadre la séance d'essais préliminaires du Mans en avril. Elle ne livrera que peu d'enseignements. Pendant que Bandini signe des chronos impressionnants avec la P4, battant au passage de plus de 5'' le record établi par Gurney en 1966 sur une Mk II, l'unique Mk IV n'est visiblement pas venue pour mettre le feu à la piste et se montre plutôt discrète.
 
A l'issue de ces essais, Ferrari mis en confiance par les performances de la P4 décide d'adopter une stratégie prudente pour la course. Dictée par une sous estimation du potentiel de la Mk IV et de sa fiabilité, la Scuderia se montre frileuse en établissant un tableau de marche trop lent pour ses P4 et joue à fond la carte de l'endurance en limitant la puissance du V12. Elle va payer très cher cette erreur tactique...
 
 

Un plateau exceptionnel

Les forces en présence entre les deux prétendants sont nettement plus équilibrées que l'année précédente. Ford aligne quatre Mk IV pour Gurney - Foyt, McLaren - Donohue, Andretti - L. Bianchi et Hulme - Ruby, secondées par trois Mk IIB pour Schlesser - Ligier, Bucknum - Hawkins et Gardner - McCluskey.
 
24h lemans 1967 Ford
 
Ferrari de son côté engage également sept voitures : trois P4 pour Amon - Vaccarella, Parkes - Scarfiotti et Mairesse - "Beurlys" et trois P3/4 "semi officielles" pour Guichet - Müller, Attwood - Courage et Rodriguez - Baghetti.
 
24h lemans 1967 Ferrari
 
Derrière les deux grands, Chaparral fait figure d'outsider et de grande attraction avec ses 2 F reconnaissables à leur grand aileron pour P. Hill - Spence et Jennings - Johnson.
 
24h lemans 1967 chaparral
 
La tâche sera plus difficile pour les deux Lola T 70 à moteur Aston Martin pour Surtees - Hobbs et Irwin - de Klerk, rapides mais peu fiables et pour les deux Mirage de Ickx - Muir et Piper - Thompson barrées en puissance par leur "petit" moteur Ford 5 litres.
 
Porsche avec deux nouvelles 907 profilées pour Siffert - Herrmann et Mitter - Rindt ainsi que deux 910 pour Stommelen - Neerspach et Schutz - Buzzetta est largement favori en catégorie deux litres face aux deux Matra 630 à moteur BRM de Beltoise - Servoz Gavin et de Jaussaud - Pescarolo, mais aussi en catégorie Sport avec ses deux 906.
 
Comme de coutume, forte présence française dans les petites cylindrées avec pas moins de huit Alpine Renault et deux CD Peugeot. Elles devront faire face à l'habituelle opposition britannique (Lotus, Marcos, Austin Healey, Costin).



Les essais

Aux essais, Ford donne le ton. Bruce McLaren s'empare de la pole en battant de plus de 6 secondes le record de 1966 et devance de 3/10 de secondes la Chaparral de Phil Hill alors que la première Ferrari, celle de Pakes-Scarfiotti n'est que 7e à plus de quatre secondes.

 
24h lemans 1967 depart
 

La course 

Dès le départ donné devant une foule considérable, la Mk IIB de Hawkins se rue en tête devant la meute compacte des autres Ford.
 
A l'issue des premiers ravitaillements, la Chaparral de Spence s'empare brièvement du commandement, mais les Ford intraitable reprennent vite leur bien.
 
Après deux heures de course, c'est la Mk IV de Gurney-Foyt qui imprime un rythme plus que soutenu en tête alors que les Ferrari moins rapides mais plus sobres gardent le contact.
 
Peu avant 20 heures, Hulme d'abord, puis Andretti portent leur record du tour à plus de 238 km/h de moyenne, ce qui compte tenu du traffic, en dit long sur l'allure infernale à laquelle est menée la course. Ford n'est pourtant à l'abri et l'équipe américaine frise la catastrophe à 3 heures du matin lorsque Andretti, Schlesser et McCluskey sont éliminés dans le même carambolage.
Un malheur ne vient jamais seul et c'est maintenant la voiture de McLaren - Donohue qui perd beaucoup de temps sur des ennuis d'embrayage. Les Ferrari ne sont pas épargnées, mais misant sur l'usure des "lièvres", elles attendent leur heure pour porter l'estocade.
 

24h lemans 1967 Ferrari

Contre toute attente, la Mk IV de Gurney-Foyt ne baisse pas la cadence et tourne comme une horloge et possède cinq tours d'avance sur la P4 de Parkes - Scarfiotti lorsque au petit matin Franco Lini, le directeur sportif de Ferrari décide de sonner la charge, mais il est déjà trop tard.
 
Parkes reprend bien un tour, mais Scarfiotti en petite forme en perd deux lors de son relais et la remontée de la Ferrari devient vite sans espoir.
 
Gurney-Foyt, toujours aussi sereins, peuvent se permettre de lever le pied, mais ils tournent toujours à plus de 215 km/h de moyenne et franchissent triomphalement la ligne d'arrivée.
 
24h lemans 1967 arrivee gt40 gurney foyt
 
En prenant la 2e place à quatre tours des vainqueurs, Ferrari est battu mais pas défait et en offrant cette belle résistance, elle valorise la victoire et fait oublier la triste débâcle de 1966.

Au cours de cette édition tous les records sont tombés. Les vainqueurs ont largement dépassé le cap des 5000 km parcourus en 24 heures et même, la Porsche 907 de Siffert-Herrmann, victorieuse en 2 litres a bouclé le parcours à 201 km/h de moyenne ! Des chiffres qui étourdissent et font peur aux officiels et oubliant le fabuleux spectacle, ils vont s'empresser de limiter la cylindrée des prototypes à 3 litres pour la saison suivante.
 
 

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