24hmans1954 ferrari v12 La victoire du tandem Maurice Trintignant / Jose Froilan Gonzales aux 24 heures 1954 fût disputée jusqu'à la dernière minute. 'Petoulet' nous livre son épopée.
 
 

 

Dans son livre « pilote de course », Maurice Trintignant raconte ainsi ses 24 Heures du Mans 1954 :


"En 1954, avec Gonzalès, j'ai eu la chance de faire tenir 24 heures à notre « monstre » Ferrari de 4 litres 900 de cylindrée. Ce jour-là, le pur sang triompha, mais il faut bien le dire, ce fut une exception qui confirma la règle. Gonzalès et moi, nous pouvons nous vanter d'avoir fait vivre aux spectateurs une course pas ordinaire. Jusqu'à la dernière heure il y eut du «suspense» et quel « suspense»...


Cette année-là, en 1954, toute la course se déroula sous des trombes d'eau. Gonzalès, après avoir tiré à pile ou face, avait pris le départ... et moi je devait faire l'arrivée si, évidemment, nous arrivions.


A deux heures de la fin, j'étais donc au volant de la grosse Ferrari fière de ses 12 cylindres. Notre avance sur la Jaguar de Rolt et Hamilton était de plusieurs tours, quand je sentis dans la ligne droite des Hunaudières mon moteur crachoter et marcher sur trois pattes. Il pleuvait des cordes et le doute n'était pas possible, l'allumage ne fonctionnait plus, ou du moins très mal à cause de l'humidité. Je n'osais pas m'arrêter au stand, car si je coupais le contact j'était sûr d'être dans l'impossibilité de faire redémarrer mon moteur.

24hmans1954 mulsanne

Je continuai donc, on me demandait d'aller plus vite, car la Jaguar revenait à toute vitesse, grignotant lentement mais sûrement son retard. Tant que le moteur avait tourné rond, je n'avais pas senti la pluie qui me pénétrait malgré ma combinaison imperméable. Mais maintenant que le « moulin » crachottait, le froid me saisissait et le bain de siège auquel j'étais soumis me paraissait un abominable supplice.


Et le mal empirait tant et tant qu'à 90 minutes de la fin, roulant à 10 à l'heure, je crus un instant que tout était perdu. Heureusement, la Ferrari avait 12 cylindres. Si 11 restaient muets, il y en avait toujours un douzième qui donnait le hoquet suffisant pour me faire avancer. Je parvins ainsi jusqu'à mon stand.


Enervé, fou de rage, je dis à Ugolini en sortant de la voiture : « C'est fichu, jamais on ne remettra la voiture en marche. »
Les minutes qui suivirent resteront dans la mémoire de tous ceux qui étaient au stand Ferrari ou même simplement dans les tribunes du Mans.
Et tandis que, fébrilement, nous essayions de sécher le moteur, la Jaguar poursuivait sa course, regagnant l'un après l'autre tous ses tours de retard. Rolt et Hamilton n'étaient plus qu'à un tour lorsqu'on essaya le démarreur.


Je revois encore la figure de Meazza quand on tenta de mettre en marche. Les veines saillaient sur son front penché sur le moteur, et je voyais le sang battre sous la peau de son cou. Le silence régnait dans les tribunes. On m'a dit qu'on y entendait le crachotement du démarreur tentant de lancer le moteur.


C'est au dixième ou douxième essai que le « moulin » se réveilla enfin. J'avais les nerfs si tendus que je faillis pleurer de joie. Trempé dans ma combinaison, je tremblais autant de froid que d'énervement... et sagement, je dis à Ugolini : « Faites partir Gonzalès. Il est reposé, il fera mieux que moi. »


Le gros Gonzalès, malgré ses 100 kilos, bondit dans la voiture et partit en éclair, la Jaguar n'avait même plus un tour de retard. Quand la Ferrari repassa devant nous au tour suivant, à plus de 200 à l'heure, je vis la foule se dresser dans les tribunes et applaudir... comme si Gonzalès pouvait entendre. Et quand il franchit la ligne d'arrivée, ce fut du délire. »...

24hmans1954 arrivee

 

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